Au coeur du chaos
 

 
 
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Vivre c'est Changer
- voilà la leçon que les saisons nous enseignent.

-PAULO COELHO -

Depuis quelques mois, je jongle avec l’idée de remuer un peu les choses en atelier, d’emprunter de nouvelles avenues et de m’amuser. Par soucis de conserver un esprit sain en période d’hostilité et d’instabilité, j’écoute l’inspiration et me laisse entraîner par ma curiosité dans le champ des possibles. Mon bien-être étant mon unique boussole, j’emprunte les sentiers qui font battre mon cœur et rebrousse chemin lorsque l’ennui s’installe.  Si je suis honnête avec moi-même, c’est un processus simple et rapide puisque les actions inspirées sont souvent dépourvues de doute. Avec intention, je remplis mon réservoir à résilience en prévision des jours difficiles et imprévisibles. 

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Je choisis donc d’entamer la nouvelle année avec la tête pleine de projets, d’espoir et d’ambition pour me sortir de la routine du quotidien et prendre soin de moi. De ce fait, je prends rarement des résolutions en début d’année. Je préfère m’offrir l’espace pour grandir et évoluer plutôt qu’entretenir la honte dès que l’engouement diminue. La beauté dans tout ça c’est qu’en appliquant cette attitude dans ma pratique artistique, elle se transpose naturellement dans ma vie personnelle. Ça ne veut pas dire que je me sens en pleine ascension, le vent dans les voiles à tous les jours, au contraire, ce cheminement est parsemé de hauts et de bas et c’est tant mieux. Parce que je sais que la contraction est nécessaire à l’expansion, je me réconcilie avec les épreuves et ce même s’il s’agit d’une finalité.

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Inévitablement la vie nous procure son lot d’obstacles et nous confronte à la résolution de problèmes, grands et petits. La créativité naît de ce besoin de résoudre un problème, de trouver une solution en nous offrant le pouvoir de changer les choses. Chez l’artiste qui se trouve face à un canevas blanc ou une page blanche mais aussi pour la mère ou le père de famille qui voit difficilement venir les fins de mois ou encore les enfants qui ont l’opportunité de faire face à l’ennui. Je crois que chaque obstacle devient l’occasion de construire sa propre résilience en développant son niveau d’adaptation par le biais de la créativité. D’ailleurs, on a pu observer depuis la dernière année que ce sont les gens créatifs qui ont su mieux s’adapter aux changements. La créativité insuffle un courant d’espoir alors que l’apitoiement mène à la détresse.

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Aujourd’hui sur ma table de travail se trouve donc, journal créatif, crayons, pinceaux, pots de peinture, canevas, livres de références, carnets de notes et mon ordinateur dans un fouillis inhabituel.  Sincèrement, ce n’est pas dans mes habitudes de travailler dans un tel désordre.  Mon espace est assez petit et j’ai besoin que tout soit rangé à sa place pour pouvoir créer et bouger librement.  Mais alors que s’installe un désordre dans l’atelier, les idées et l’inspiration jaillissent de partout et s’organisent d’elles-mêmes dans ma tête.  Bien que je saute d’une idée à l’autre, un certain équilibre s’installe et ma créativité s’exprime plus librement.  Comme quoi l’harmonie et le chaos peuvent coexister. 

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À l’image de ce que j’observe actuellement dans le monde, le chaos s’invite dans mon atelier, je tente donc de l’apprivoiser et en tirer profit. Je remarque au fil des semaines que ces périodes de confusion sont souvent suivies de fabuleux moments de création. Je constate que l’harmonie peut naître dans cet espace si on laisse émerger du chaos les idées constructives et innovatrices. En dirigeant consciemment mon attention sur le beau, elle influence positivement mon humeur et mon énergie. C’est à considérer sachant que notre attention aura aussi une incidence sur la suite des évènements de notre vie. Quand j’ai compris que je suis ce que j’observe, j’ai commencé à accorder de l’importance ce sur quoi je porte mon attention. Il ne s’agit pas de tomber dans le déni, bien au contraire, mais de mettre en lumière ce qui compte vraiment pour soi et lâcher prise sur ce qui ne nous convient plus.

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Une chose est sûre, la crise pandémique aura ébranlé et déconstruit bien des schémas, des structures et des croyances archaïques. Mais ce chaos dont nous sommes témoin ou victime, ne serait-il pas le début ou l’émergence d’un nouvel équilibre sociétal? Surgira-t-il de cette crise une restructuration de nos vieux systèmes et croyances désuets qui appartiennent à une autre époque? Le racisme, le sexisme et le paternalisme, ne sont-ils pas résolus à disparaître? Ces mouvements qui surestiment un genre au détriment d’un autre n’ont-ils pas lieu d’être aboli afin de rétablir l’harmonie? Même si le changement planétaire n’aura pas lieu demain matin, nous avons tous le pouvoir de vivre ce changement dès maintenant, en chacun de nous. Cette transformation s’exprime d’abord dans la façon dont nous traitons nos conjoints et conjointes, nos fils et nos filles, nos voisins, nos aînés, tous ces gens qui font partie de notre quotidien. Leur accordons-nous un traitement juste et équitable indépendamment de leur âge, leur sexe ou leurs croyances?

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De cette réflexion, je me suis demandé s’il était possible de se souvenir de nos ancêtres sans porter leurs souffrances. Ne pouvons-nous pas plutôt porter leur force, leur résilience et leur courage. Ces hommes et ces femmes qui ont écrit les bases de notre histoire, qui ont débroussaillé notre chemin, ne méritent-ils pas que nous perpétuions leur courage plutôt que leur haine. À mon avis, par notre simple présence, nous portons et honorons déjà leur histoire et leur rendons instinctivement hommage. Parce que nous vivons tous avec la peur d’être oublié, nous croyons à tort que nos souvenirs haineux et d’injustices sont le moteur de notre propre histoire. Ne devrions-nous pas simplement revoir ce que nous souhaiterions réellement léguer à nos descendants, que voulons-nous qu’ils portent, notre haine ou notre bienveillance, notre honte ou notre fierté. Personnellement, je désire décharger mes enfants de mes blessures pour qu’ils puissent vivre librement, sans rancune, sans haine, libéré de mon histoire. Parce que la paix sur terre s’entame par la paix intérieure de chaque être humain et non l’inverse.

 
 
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Ces questions sont au cœur de mon processus, j’explore la nature humaine parce que j’ai besoin de comprendre et ultimement évoluer. Ainsi j’en fait le fondement de ma pratique artistique au quotidien. Ces sujets m’interpellent puisque j’en subis les conséquences directement en tant que femme et mère de famille mais aussi indirectement parce que je vis dans une société raciste, sexiste et patriarcale. Je ne suis pas indifférente au sort des autres et l’avenir de notre société, tout le contraire. Les mains maculées des erreurs du passé, nous perpétuons tous à notre manière l’injustice et les jugements préconçus, légués de génération en génération. En m’interrogeant sur la santé et le sort de notre société, je prends soin de moi et l’avenir de mes enfants. Je n’attends pas que l’autre change mais j’examine ce que je peux changer chez moi, au cœur même du chaos. Cette introspection, aussi souffrante soit-elle, est l’unique porte d’entrée à un monde meilleur.

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Mon cheminement de la dernière année, marqué de grands bouleversements, a su éveiller davantage ma conscience.  Au fil des semaines, j’ai côtoyé la gratitude et la libération mais aussi le découragement et la colère.  Mais si je devais résumer mon expérience de 2020 en un seul mot, déception est le sentiment juste.  Je suis encore abasourdi du comportement égocentrique de l’humain qui évoque une grande insouciance sociale face à une crise planétaire. Beaucoup de gens m’ont déçu au fil des mois.  L’incapacité à suivre des règles sanitaires simples, la défiance de l’autorité et le manque de jugement m’ont particulièrement troublé.  Je suis devenue intolérante à la malhonnêteté des gens qui n’assument pas leurs gestes fautifs et qui osent me mentir, se mentir.  J’ai aussi dû apprendre à poser mes limites et les faire respecter, à exprimer mon irritation qui elle aussi a le droit d’exister.  Mais aujourd’hui, j’aspire à ne plus laisser le comportement et l'insouciance des autres détruire ma bienveillance et mon bien-être.  Je vis dans l’harmonie au cœur du chaos.

 

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