Le confinement que nous implore la santé publique depuis les dernières semaines à fait naître chez moi un sentiment de gratitude, au détriment de la peur et de l’angoisse. De la gratitude pour ma santé et celle de mes proches bien sûr, pour l’absence de soucis financiers dont je bénéficie mais surtout, de la gratitude pour l’être qui fleurit en moi, indépendamment de ce que la vie me réserve comme surprises. Force de constater combien l’être humain est merveilleusement bien outillé pour s’adapter aux bouleversements. L’un de ces précieux outils dont on dispose est, sans aucun doute, que nous soyons des êtres créatifs. Quelle joie d’être témoin de cette vague de créativité qui s’étend sur la planète entière en ce moment, confirmant son pouvoir et sa nécessité sur notre bien-être individuel mais aussi collectif. Je ne parle pas ici uniquement de la communauté artistique mais aussi de la créativité dont font preuve les milieux hospitaliers, les pédagogues, les parents, les enfants, les plateformes de communication et j’en passe.
Au-delà de tous ces arcs-en-ciel qui colorent nos quartiers et le chamboulement de nos horaires, notre emploi du temps prend tout son sens et nous oblige à revisiter où et comment l’on investit notre énergie. Ainsi, dès les premiers jours de cette nouvelle réalité j’ai voulu examiner l’usage que je faisais de mon temps, profiter de l’occasion pour revisiter mes priorités. Je ne peux passer sous silence qu’il n’est pas anodin que cet événement survienne en ce temps de crise planétaire, peut-il y avoir une telle chose qu’un karma planétaire? Personnellement, j’ose croire que oui. Reste à voir si l’homme sera assez intelligent pour modifier sa façon de vivre, qu’il aura retiré une leçon de cette crise mondiale. Il faut comprendre que quand ça crie dehors c’est pour que nous écoutions en dedans et si on ne s’occupe pas de l’être humain, il continuera de salir son environnement.
En posant le regard sur soi, on devient plus compatissant envers soi-même mais également envers les autres et par l’occurrence, notre planète. Sachant que le jugement que l’on porte sur l’autre est un reflet de ce qu’on n’a pas su accueillir chez soi, n’est-il pas là un acte d’auto-sabotage? J’avoue porter un jugement, ces jours-ci, sur ceux qui ne respectent pas le confinement, ceux qui se croient invincibles. Mais je sais aussi que cette liberté dont s’autorise ces individus m’enflamme parce qu’elle me manque. À cela s’ajoute la notion que leurs indifférences et leurs agissements prolongera la durée de notre confinement à nous les citoyens responsables et sensibles, un déplorable manque de conscience sociale. Heureusement l’union fait la force alors continuons à montrer l’exemple en grand nombre aux insouciants de ce monde.
Toutes ces émotions m’ont amené à prendre place dans mon atelier, sortir ces magazines qui me font rêver, une paire de ciseau, un bâton de colle et laisser parler mon inconscient à travers l’exercice du collage intuitif. Le résultat, présenté ici-haut, est très révélateur de ce qui se vit inconsciemment, même s’il fut réalisé en quelques minutes, il me fit le plus grand bien. Gondolé par l’humidité de la colle, j’ai rangé ma création sous une pile de livres pour l’aplatir et l’oublier quelques jours. Ce fut réellement le cas puisque près de deux semaines se sont écoulées avant que je ne le retrouve par hasard, en fouillant dans mes livres. Après avoir suffisamment décanté dans mon esprit, sous le poids du quotidien, je vous partage ici l’interprétation que j’en fait.
Je porte ma maison au creux de mes bras à l’image d’une embrassade, dans mon cœur et non l’inverse. Peu importe ce que je vis, ce qui m’arrive, jamais elle ne pourra m’être retirée. J’aime cette maison, son ambiance qui regorge de bienveillance, de douceur, de parfums familiers et de mélodies qui me font danser. Ma maison est chaleureuse et accueillante, toujours accessible, où que j’aille. Je m’y sens bien, je peux être moi-même sans crainte d’être jugé ou méprisé. Elle fait partie intégrante de moi, je ne peux m’en dissocier. Ce lieu qui m’apporte paix et confiance s’enracine davantage dans mon corps et mon âme chaque fois que j’y rend visite.
Je suis ici maintenant au chaud dans ma maison et je l’explore une pièce à la fois, curieuse des trésors que chacune contient. J’observe quelles couleurs arborent les murs ou les motifs du papier peint propre à chaque pièce en examinant l’état dans lequel elles se trouvent. J’écoute le plancher craquer sous mes pieds, je sens la douce chaleur irradier du parquet de bois usé. Je me laisse réchauffer par les rayons du soleil qui entre par les fenêtres, filtrés par les voiles qui dansent sous la brise. Mais je ne m’attarde pas à regarder dehors, l’intérieur est plus précieux et indispensable à mon bien-être peu importe ce qui se passe à l’extérieur, il demeure imperturbable. Que le ciel soit couvert ou dégagé, le soleil entre toujours dans ma maison. Tranquillement, j’apprivoise tous ses recoins, toutes ses fissures habilement camouflés sous un papier peint ou un cadre et ces placards tombés dans l’oubli. Elle n’est certes pas parfaite mais ne demande qu’à être aimé et vu telle qu’elle est.
Je m’active à dépoussiérer les pièces rarement fréquentées, rafraîchir le décor de celles où je m’y suis trop longtemps attardées. Je pousse les lourds rideaux du grenier, ouvre les fenêtres pour y laisser entrer une brise d’air frais et de lumière qui purifie ce petit coin de noirceur si riches en souvenirs. Ainsi je goûte à l’essence même de qui je suis, je respire son parfum, j’observe ses parts d’ombres et de lumières, j’écoute sa mélodie, je touche à mes sensations profondes. Tous ces ressentis sont les miens et non ceux des autres projetés sur moi. Je le sais parce que je m’y sens bien, pleinement détendu, en paix. Mon cœur se rempli de joie pour les instants à venir puisqu’il n’y a pas place à la peur, la honte ou la colère.
Solidement enraciné, en ces temps incertains, les vagues se fracassent à mes pieds sans évoquer le moindre mouvement sur mon corps. De béton face aux intempéries, je laisse le vent m’envelopper, me dépoussiérer en lui montrant gentiment la sortie. Vu de l’extérieur, ma maison est d’un blanc lumineux, immaculé, elle brille et rayonne indépendamment de la température. Lorsque le chaos s’installe à l’extérieur, je referme simplement les volets en attendant le retour du calme et j’écoute la mélodie qui accompagne la tempête. Je ne suis pas isolé ni même sauvage comme certain peuvent croire, j’entretiens ce qui a de plus précieux pour moi, mon bien-être intérieur, ma croissance personnelle qui, je sais, fera de cette réalité un monde meilleur. J’accueille donc les bruits extérieurs au pied de la porte mais ne les laisse pas entrer. Je ferme les yeux sur le monde un instant et je pose mon regard sur mes sensations, qui elles ne mentent jamais. J’écoute le silence d’où surgit la petite voix de mon intuition qui sait ce qui est juste pour moi, sans l’ombre d’un doute. Je goûte au plaisir d’être chez moi, aussi souvent que nécessaire.
Et quand le soleil brillera à nouveau, que les esprits tourmentés auront épuisé leurs craintes, que l’humanité aura retrouvé son équilibre, j’ouvrirai ma porte, je réintègrerai ce monde et côtoierai ces âmes qui comme moi entretiennent leurs maisons. Je les reconnaîtrai rapidement par leurs regards brillants, par leurs souffles détendus qui respirent l’amour sans désirs de possession ou de domination, par leurs écoutes en pleine conscience sans jugements. Je vous saluerai d’un sourire qui exprimera d’abord ma joie de vous revoir mais surtout qui voudra dire; « Je te vois ». Quand ce jour viendra, parce qu’il viendra, je serai dans la gratitude et la reconnaissance de ce temps d’arrêt. Et vous, quelle atmosphère règne-t-il dans votre maison?